Ben Lim: «Un monde très incertain pour Maurice en 2021»

Article Published on September 20, 2019

Ben Lim, CEO d’Intercontinental Trust, a brossé un tableau sombre des défis du “global business" : perception de Maurice, degré d’incertitude dans le monde, baisse d’importance de la taxe, substance et GIFT (Gujarat International Financial Tec-City). S’agissant de la perception de Maurice, il observe qu’il y a eu une succession de “leaks" d’informations confidentielles sur Internet, dont les Mauritius Leaks, après les Paradise Papers et les Swiss Leaks. « Ce que Mauritius Leaks a apporté, c’est un niveau sans précédent de mauvaise presse. We had a very bad press both internationally and locally », a souligné Ben Lim. Il est d’avis que les “leaks", les mouvements populistes et la pression sur le global business « have been fuelling the angriness of the population and the impact is that it is distorting policy making » car l’OCDE et l’UE vont prendre en considération ce que la population revendique et « les mesures prises ne seront pas nécessairement rationnelles », observe le financier.

Par ailleurs, il note aussi un “overemphasis" des régulateurs sur l’offshore. Autre aspect à tenir en ligne de compte : le sondage a révélé que plus de 20% de compagnies « will stop using IFCs in the future. » Dans ce contexte difficile pour le secteur, le CEO d’Intercontinental Trust estime qu’il faut bien être conscient de ce que le secteur du “global business" a apporté à notre pays au fil des ans, notamment en termes d’expertise et de richesse. Grâce au “global business", dit-il, un seul diplômé dans une famille peut subvenir aux besoins de toute sa famille. « C’est un “high reward sector" que nous devons faire connaître, et surtout protéger », dit-il en sollicitant la collaboration de la presse.

50 shades of EU blacklist

L’autre défi du secteur est, selon lui, le niveau sans précédent d’incertitude qui règne, notamment avec de nouveaux règlements qui sont introduits alors que les traités changent « d’un trait de plume » sans oublier les « 50 shades of EU blacklist ». Et Ben Lim d’ajouter : « Il n’y a plus de level playing field, nous devons lutter seul et ne plus déprendre des autres pour avoir des bénéfices ou autres. Sous la pression de l’UE, nous avons aboli le 80% “deemed credit" et cela a affecté beaucoup d’entreprises car l’exemption partielle qui a été introduite doit encore se prouver. C’est en juin 2021 que toutes les entreprises adopteront le système d’exemption partielle et ce sera un monde très incertain pour Maurice. »

Quelle solution pour Maurice ? Être « smarter » lors des négociations, dit Ben Lim. L’autre problème touchant le secteur : le fait que la fiscalité soit devenue un sujet tabou. « Aujourd’hui, le simple fait de mentionner le mot taxe devient immoral. C’est un problème pour nous car nous sommes une ‘tax treaty jurisdiction’. Un simple exemple, tout le monde achète des produits duty free à travers le monde, imaginez un jour que vous achetez un produit hors taxe dans un pays africain… On peut vous accuser d’évasion fiscale ! Et de voler les revenus fiscaux des Africains ! C’est malheureusement la sorte d’arguments que le consortium des journalistes ICIJ utilise pour avoir le soutien des populations. »

Dans ce contexte, selon lui, Maurice doit renégocier ses traités car la taxe n’est plus le principal motivateur pour utiliser la juridiction mauricienne et le pays devrait miser sur les “non-tax benefits". Par ailleurs, la substance sera, selon lui, une question clé dans les prochaines années. « Avez-vous entendu parler de la CIGA (core income generating activity) ? La CIGA doit être à Maurice, cela représente une opportunité pour nous. À lot of services that are being provided by Mauritian companies are being outsourced right now, alors qu’il faudrait pouvoir offrir tous ces services localement en vue d’assurer justement la “substance" », argue-t-il. Il s’agira de voir quelles compétences le pays aura besoin pour fournir ces services afin d’être en mesure de décider de notre politique d’immigration, ajoute Ben Lim.

Il évoque parallèlement la menace du GIFT (Gujarat International Financial Tec-City). « Ce n’est pas un cadeau pour nous ! L’Inde a toujours voulu mettre sur pied un centre offshore sur son territoire. L’Inde a toujours eu cela en tête. Suivant le changement DTA avec l’Inde, GIFT a fait son apparition et représente une menace pour l’île Maurice. Car ils vont faire un peu la même chose que nous, sauf qu’ils vont donner un congé fiscal de dix ans et d’autres bénéfices. Is it the nail in the coffin….? »

Extrait LE MAURICIEN, Mardi 17 septembre 2019 – Ben Lim, CEO Intercontinental Trust Limited